L'essentiel

Dans la rencontre avec l’adolescent, il s’agit plutôt de diminuer les résistances à la rencontre que de mobiliser un savoir supplémentaire. Le défaut de communication entre l’adolescent et son médecin vient essentiellement de leurs représentations réciproques. Le médecin attend que le jeune s’exprime et l’ado attend qu’on lui pose des questions Pour créer un climat prompt à la confidence, les jeunes désirent avoir affaire à un médecin qui garantisse la confidentialité, qui ne les juge pas et qui pose les bonnes questions.

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Des influences multiples

LA FAMILLE

Le rôle de la famille dans le processus de la prise en charge est primordial. De l'avis à la consultation, les parents et en particulier la mère, jouent un rôle important.

Ceci est surtout vrai pour les moins de 18 ans, mais reste valable tout au long de la scolarité. L'autonomie vis‑à‑vis de la prise en charge médicale (choix du médecin, prise de rendez‑vous, visite) ne s'acquiert que progressivement durant l'adolescence. La consultation reste néanmoins du ressort des parents pour la plupart des scolaires, même légalement majeurs.Il faut noter que le plus souvent le rôle des parents n'est pas ressenti comme un "poids", bien au contraire : le niveau de satisfaction est plus élevé quand la consultation a lieu en leur présence surtout pour les moins de 16 ans. Mais il n’en n’est pas de même en cas de conflit ouvert ou larvé.

DES REPRESENTATIONS DU MEDECIN TRAITANT

Les caractéristiques du "médecin‑type", pour les garçons comme pour les filles, sont les suivantes : il s'agit surtout d'un homme, médecin généraliste, connu et qui soigne déjà un ou plusieurs membres de la famille. Les adolescents ont rarement recours au médecin du copain, ils vont d'ailleurs peu consulter en leur présence. Le "médecin de famille" continue donc à jouer un rôle central. Mais si plus de 90% des adolescents ont bien conscience que leur médecin peut les aider sur le plan physique, ils ne sont plus que 55% à penser pouvoir leur parler de leurs problèmes sexuels et 32% de leurs problèmes psychologiques.

UN AGE POUR LA CONFIANCE

Cette gêne à se confier est particulièrement vraie pour les filles. Le généraliste, le pédiatre ou le gynécologue bénéficient nettement cependant d'une plus grande confiance que les autres spécialistes, qui interviennent plus ponctuellement. La satisfaction augmente entre 11 et 18 ans, comme si avec l'âge, médecin comme adolescents se sentent plus à l'aise. Il est clair que la consultation pose le plus de problèmes pour les plus jeunes : avant 15 ans, ils consultent moins, se sentent moins à l'aise, et sont moins satisfaits.

UNE PRESCRIPTION OMNIPRESENTE

En France, la consultation en médecine générale est en moyenne d’environ 17 minutes, en particulier pour les maladies banales, les problèmes de fatigue ou de prévention. Pourtant ces motifs peuvent cacher d'autres troubles plus graves.Avec les adolescents, la consultation n'aboutit presque jamais à la mise en place d'un suivi. Même dans le cas où des examens complémentaires sont prescrits, la prise d'un nouveau rendez-vous ne concerne que 16% des adolescents et survient dans ¾ des cas suite à la demande du médecin. Par contre, la consultation se termine la plupart du temps, par une prescription médicamenteuse, à laquelle les jeunes se conforment dans la majorité des cas. Le taux de prescription est élevé en cas de troubles psychologiques. La prise de rendez‑vous est alors rare et l'insatisfaction fréquente.

Des attentes décalées … :

Les jeunes attendent de la consultation un avis éclairé sur la normalité de leur comportement et/ou de leur ressenti. Ils sont demandeurs d’informations de la part de leur médecin traitant mais ils préfèrent que le médecin ait l'initiative. Il incombe donc aux médecins traitants, par le biais du suivi médical, de donner aux jeunes les critères les aidant à évaluer leur santé. Plus de 80% des jeunes se déclarent tout de même satisfaits de leur consultation. Le groupe « à risque » (Déprimé ou suicidaire) attendent davantage que les autres de leur médecin traitant. Ils sont 2 fois plus nombreux que les autres à trouver leur médecin traitant pas assez curieux à leur égard et trop silencieux. 23% des jeunes « à risque » ont l’impression que leur médecin ne répond pas exactement à leur question, contre 3% chez les autres jeunes.

Quelles caractéristiques attendent-ils de leur médecin ?

Pour les deux sexes, les qualités principales attendues par les adolescents concernant leurs médecins généralistes, sont de garantir le secret médical, de ne pas porter de jugement et d’être initiateur de questions adaptées.
    Ce qu’attendent plutôt les filles :
  • Elles apprécient le questionnement plutôt général, du type « comment ça se passe pour toi ? » .
  • Elles s’interrogent plutôt sur le relationnel : « qui suis-je pour lui ? qu’est-ce qu’il me veut ? » .
  • Le message chemine par une plainte somatique.
  • Le soutien dépend plutôt d’une qualité relationnelle.
    Ce qu’attendent plutôt les garçons :
  • Ils préfèrent l’explication logique au questionnement. On peut aborder plutôt avec «je t’explique » …éventuellement : « comment ça marche pour toi ? » .
  • Ils s’interrogent : « ai-je bien compris ? qu’est-ce qu’il y a à comprendre ? » .
  • Le message chemine plutôt par un comportement agi ou passif.
  • Le soutien dépend plutôt d’un programme négocié.

Des occasions manquées

Les premières minutes de la consultation jouent un rôle important. Le jeune perçoit très rapidement chez le médecin traitant : son malaise, l'intérêt qu'il lui porte, et son attitude face à la famille. Cela lui permet de le classer immédiatement, soit dans la catégorie des « vieux crabes », se rangeant le plus souvent aux idées familiales, soit dans la catégorie des alliés, considérés alors comme adulte référent.

- Seuls 6% des filles et 7% des garçons disent avoir parlé de leurs modifications corporelles avec leur médecin généraliste.

- 10% des jeunes scolarisés disent souffrir d'un handicap (4%) oui d'une maladie chronique (6%). On notera que la laideur est largement sous-estimée par le corps médical.

A l’adolescence, plus le médecin est silencieux et attentiste, plus l’adolescent est ramené à un statut d’enfant devant un adulte mystérieux et supérieur auquel il est soumis.

- L’ado attend une compréhension et une signification de ce que fait et décide le MG. Le temps de l’examen est une pédagogie du soin et de la représentation du corps, aspect très spécifique à la médecine générale.

- Dans la rencontre avec l’adolescent, il s’agit plutôt de diminuer les résistances à une rencontre que de mobiliser un savoir supplémentaire.

- Toute construction nécessite une évolution temporelle et l’adolescence actuelle est moins un passage qu’un état qui se prolonge. Or si le généraliste n’a pas le temps, il a pour lui la durée. Toute observation ou allusion peut être reprise à l’occasion de n’importe quel motif lors des consultations ultérieures.

Le contexte

    Ce qui met le plus mal à l'aise l'adolescent :
  • Un environnement non accueillant (la longueur du temps d’attente en salle d’attente est particulièrement redoutée chez les jeunes en difficulté);
  • La présence dans la salle d’attente de personnes de leur connaissance;
  • Le fait d’être envoyé par un tiers ou l’absence d’accord de consultation de la part de leurs parents;
  • La préoccupation concernant le caractère de confidentialité;
  • Les difficultés d’accès selon leur lieu de vie;
  • Le manque d’information concernant les services médicaux proposés;
  • Les plages horaires de consultations parfois non concordantes avec leurs disponibilités (cours);
  • L’utilisation d’un langage médical ou d’adulte;
  • Le coût de la consultation constitue un obstacle pour les jeunes en difficulté.

Le médecin

    Les difficultés les plus courantes sont :
  • Appréhender l'adolescent de façon ouverte, globale et non par organe; .
  • Identifier les conduites à risque,
  • Gérer ces rencontres
  • Trop lier le comportement suicidaire à l’état dépressif
  • Ne pas voir les indices de passage à l’acte alors qu’ils se multiplient dans la période précédant la tentative de suicide (TS). La gravité de ces indices est liée à la présence de ruptures et au cumul concernant la mauvaise insertion sociale, les mauvaises relations familiales, les antécédents d’abus sexuels et les troubles psychiatriques.

Références :

LACOTTE-MARLY E, Les jeunes et leur médecin traitant : pour une meilleure prise en charge des conduites à risque. Paris V. 2014.

BOULESTREAU-GRASSET H, Le point de vue des adolescents sur leur relation avec le médecin. Nantes. 2009.

Tudrej BV, Heintz AL, Ingrand P, Gicquel L, Binder P. What do troubled adolescents expect from their GPs? Eur J Gen Pract. 2016 Dec;22(4):247-254.

PAPAGIORGIOU M, Attentes et vécu des adolescents au décours d’une consultation de médecine générale. Nantes. 2016.

RUFO M; CHOQUET M; Regards croisés sur l'adolescence, son évolution, sa diversité. Edition Anne Carrière, 2007. p 510

APPLEBY L., AMOS T., DOYLE A. et al. General practitioners and young suicides: a preventive role. British journal of psychiatry 1996/03 ; vol. 168 : 330-333

VEGAS R., CRAMPE J., Enquête auprès des médecins traitants sur les déterminants psychopathologiques du suicide en Mayenne B.E.H. 2000, n°22