L'essentiel

« Les adolescents sont un atout majeur et une ressource essentielle pour le présent comme pour l’avenir ; ils sont porteurs d’un grand potentiel qu’ils pourront mettre au service de leur famille, de leur communauté et de leur pays. Ce sont des acteurs du changement social » (Santé des adolescents, OMS 2015) - L’adolescence est un processus de séparation menant vers l’autonomie. Elle passe par une crise impliquant fortement les émotions, pouvant être à l’origine de repli sur soi et d’acquisition de comportements à risques. - Les changements biologiques et psychosociaux de l’adolescence constituent un moment crucial pour fonder les bases d’une bonne santé pour l’adulte futur. - Les problèmes de comportement et d’addiction ont à cette période une incidence non négligeable sur le développement physique et psychologique futur, il convient donc d’acquérir des comportements positifs à cet âge de la vie.

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La santé des ados n’est pas que l’affaire des médecins

La santé ne peut être réduite à une approche médicale. C'est l'affaire de tous et pas seulement celle des médecins et des professionnels de santé. La question de la santé des adolescents doit prendre en compte l’adolescent au niveau individuel, au niveau relationnel (familles et pairs), au niveau communautaire (école, établissements de santé, associations de loisirs) et au niveau culturel (médias, déterminants sociaux, droits et devoirs). Le cloisonnement des approches reste préjudiciable à l'abord de la question. Quand on traite la question de la santé des adolescents, il faut résister à la tentation des clichés et aux images réductrices : la jeunesse, symbole de santé, de beauté et de sexualité ou encore la jeunesse, synonyme de difficultés psychologiques graves, voire de déviance sociale...
La santé relève d'une dynamique permanente. Elle résulte d'un équilibre, à l'intérieur d'un système vivant. Dans ce système, il s'agit, à tous moments, de trouver les ressources nécessaires pour rétablir l'équilibre.

L’adolescence : une évolution vers l’autonomie

Le Haut Comité de la santé publique propose la définition suivante : « L'adolescence est caractérisée par un statut social proche de celui de l'enfance, lié à l'existence d'une dépendance familiale et à une période d'activité scolaire ou d'apprentissage. Le passage de la période enfance/adolescence à l'âge adulte se caractérise par le franchissement de stades liés à l'entrée dans la vie active et professionnelle d'une part, à la constitution d'un couple et/ou du départ de chez les parents, d'autre part. »
L'adolescence est un processus de séparation d'avec la famille, d'autonomisation, d'identification sexuelle, à la fois singulier et collectif, s'inscrivant dans des conditions de développement de la société, avec des particularités liées à la société dans laquelle il se déroule. Pour le Pr JEAMMET : « L'adolescence, c'est passer de la dépendance infantile à une position plus autonome. L'adolescent doit aménager une nouvelle distance relationnelle avec les adultes et notamment ceux dont il était le plus dépendant affectivement : les parents et les proches. Or ceux qui arrivent à l'adolescence avec le plus d'insécurité intérieure, une moindre estime d'eux‑mêmes, auront le plus besoin de recevoir un soutien de la part des adultes, mais ce seront aussi ceux qui vont souvent le tolérer le moins bien. Ils vont vivre, en effet, toute demande à l'égard des adultes comme une menace pour leur autonomie. Le drame est que plus on veut aider l'adolescent, plus il renforce son refus et son opposition. Et l'on en arrive à ce paradoxe tragique de l'adolescence, que ceux qui auraient le plus besoin de recevoir vont être ceux qui s'enferment le plus dans le refus. »
L'adolescent s'intègre dans un réseau relationnel. Chaque membre de la famille, toutes générations confondues, fait partie d'un tout avec des relations ascendantes, descendantes et transversales ; ainsi l'adolescent est‑il au cœur de ces liens, intégré au système familial. Il ne faut pas oublier dans la réflexion les notions de parentalité, d'autorité, d'éducation et d'amour, de reconnaissance et de valorisation.

Un temps abordé de façon positive

90% des adolescents disent aller bien.
La problématique « adolescence et santé » est souvent traitée à travers les conduites addictives (alcool, tabac, toxicomanie, violence ...) ou à travers le mal‑être (suicide, dépression ... ). Ces sujets sont d'une incontestable gravité et appellent des politiques adaptées, notamment en matière de prévention. Mais l'approche doit également être positive. Cet âge doit être celui de l'acquisition d'attitudes et comportements positifs pour leur santé et de la prise de responsabilités : les adolescents peuvent être impliqués dans un rôle de relais actif des messages santé au sein de la famille. C'est un âge de « construction ».
Dans un contexte où le terme jeunesse est parfois rapidement associé à « délinquance », « absence de règles », « démission des parents et des adultes en général », ... l'apport à notre société de ces 5,3 millions d'adolescents (11 ‑ 18 ans) doit être valorisé, ainsi que la richesse du regard qu'ils renvoient aux adultes. S'intéresser à la santé des adolescents et s'interroger sur leurs pathologies (au sens large du terme) revient aussi à envisager l'état, à venir, de notre société. L'adolescent est, juridiquement, un « mineur », dépendant de ses représentants légaux. Ces derniers, en tant que titulaires de l'autorité parentale, ont un droit et un devoir de surveillance sur la santé de leur enfant. S'intéresser aux adolescents conduit à appréhender également leur contexte familial en tant que facteur influençant leur santé. Plus généralement, le contexte socio‑économique dans lequel s'inscrit leur famille va intervenir sur leur équilibre physique et psychique. Il faut sans doute envisager les différents visages de la famille, ses divers aspects (« traditionnelle », « monoparentale », « recomposée », « urbaine », « rurale » ... ).
Si adolescent et famille doivent dès lors être envisagés conjointement, il n'en reste pas moins que l'adolescence se caractérise aussi par un désir d'indépendance, de distance à l'égard des règles édictées et un besoin d'évoluer dans un monde propre, distinct de celui de l'adulte. Il conviendra dès lors de questionner ces relations entre l'adolescent et sa famille, car si cette dernière doit avoir le souci de préserver les potentialités et le bien‑être des enfants et adolescents de l'adolescent, prévenir ses possibles défaillances et accompagner ses éventuelles souffrances, elle doit également lui laisser un espace dans lequel il pourra, en confiance, évoluer.

Une crise, étape de développement

La "crise" de l'adolescence est normale. Il s'agit d'un moment du développement. Elle doit être considérée comme banale, sans être pour autant banalisée. « La situation de l'adolescent le contraint à abandonner ses choix libidinaux infantiles, donc à se distancer de sa famille, mais aussi à s'identifier à ses parents afin d'accéder à l'état adulte. Ce paradoxe crée une véritable crise. L'adolescence est une véritable épreuve pendant laquelle tous les repères identificatoires sont remis en question. » (Jean‑Pierre CHARTIER, Les adolescents difficiles, Dunod, 1997). L’adolescence peut également être considérée comme une crise des émotions selon le Pr JEAMMET. L’adolescent se sent subitement impuissant face aux changements physiques et psychologiques de cet âge de la vie. Cette impuissance constitue une menace qui provoque deux types de réactions : Aller vers les autres (au risque d’être déçu), quand il existe un climat de confiance en famille ou avec ses pairs : risquer la relation Se replier sur soi et s’enfermer, quand vivre des choses fortes semble inaccessible : l’objectif est de se protéger de la relation. Face à la situation de repli, il convient d’en voir l’aspect positif : l’adolescent aspire à des choses belles qui lui semblent inenvisageables. C’est donc l’occasion de l’aider dans ses démarches plutôt que de s’apitoyer avec lui sur ce qui ne va pas. Il est important que soient expliquées aux enfants, avant leur survenue, les transformations qu'ils vivront au cours de l'adolescence (vers 8 ans pour les filles, vers 10 ans pour les garçons). La période du collège est celle de tous les dangers : C'est là que commence le décrochage scolaire, le début des consommations délétères, les relations sexuelles précoces.

Une société …qui a ses exigences.

La crise d'adolescence n'est plus une crise individuelle : la crise que traversent les parents existe toujours, mais elle se double de la crise que traverse la famille dans son entier. Il y a aujourd’hui, crise de la famille, mais non du lien familial, qui continue à paraître légitime à presque tout le monde. Les familles sont engagées dans un souci de la réussite qui confirmera les liens familiaux : les adolescents se retrouvent soutiens de l'homéostasie familiale et ont beaucoup de mal à prendre leur autonomie. Ce conflit de l'adolescence, une « antinomie à résoudre entre besoins affectifs qui signifient dépendance et construction de son identité qui impose une séparation » selon la formule du professeur JEAMMET, se vit dans le contexte d'une société paradoxale : à la fois permissive, voire fascinée par le tumulte de l'adolescence, et en même temps exigeante quant aux performances sociales. A cela les adolescents vont répondre par deux types de conduites défensives prévalentes : des conduites agies très spécifiques (addictions, conduites suicidaires ...) et des conduites de retrait : désinvestissement actif, négativisme, désinvestissement des processus de pensée, véritable phobie du fonctionnement mental (Kestemberg). Le danger est que les organisations psychopathologiques de l'adolescence vont figer le processus, arrêter le développement de la personnalité, le déroulement des processus d'identification et de séparation individuation de l’adolescent ; sans oublier les conséquences somatiques et sociales possibles de ces conduites.
L'image que l'on retient actuellement de l'adolescence est celle du désordre, des risques, voire du danger que font courir les adolescents à d'autres et à eux-mêmes. Pourtant, l'âge de l'adolescence, âge intermédiaire entre l'enfance et l'âge adulte, âge de découvertes, d'essais, de conflits et d'affrontements est riche et complexe, propice aux questionnements, aux remises en cause, de son entourage et de soi-même, qui amènera l'adolescent à devenir un adulte responsable. S'interroger sur les adolescents, et plus encore, sur la santé des adolescents, veut dire avant tout s'interroger sur le monde des adultes, et donc sur leur santé et leurs comportements en matière de santé.

Une société…que les adolescents inquiètent...

Le regard des adultes sur les questions liées à l'adolescence est rarement serein ou dénué d'ambiguïté, comme le remarque le Haut Comité de la santé publique: les adultes ne peuvent considérer les adolescents qu'avec leurs propres références , tantôt ils optent pour le déni et le refus d'agir (« c'est l'âge, cela passera... »), tantôt pour une dramatisation excessive (« son comportement est inadmissible, il faut faire quelque chose... ») sans que ces réactions prennent en compte le sens des messages lancés par les adolescents.

Une société…où les adultes doivent trouver leur position éducative...

Il y a une position juste à trouver, une position d'adulte, que ce soit pour le médecin (représentant l'autorité médicale) ou pour l'adulte en général qui doit être en position de contenir, d'éduquer, de comprendre, ce que l'on peut résumer dans le terme « appréhender »au sens plein de contenir et de comprendre.
Lors d'échanges, des jeunes, accueillis dans les foyers de l'enfance, ont expliqué avec beaucoup d'unanimité, quel que soit leur âge ou leur sexe, que si des adultes avaient été présents, tel jeune n'aurait pas été frappé ou insulté : « si les adultes étaient là... ». Les cadres de référence semblent manquer, ainsi que les figures d'autorité contre lesquelles se rebeller et se construire. Les adultes cherchent partout des explications aux comportements des adolescents sauf dans leurs propres comportements. On remarquera d'autre part que l'intervention des adultes auprès des filles relève plus de la prévention : planning familial, suivi pilule etc…tandis qu'auprès des garçons il s'agit plus de répression, arrestation, judiciarisation en raison de la fréquence des conduites socialement délétères Il faut aider l'adolescent à penser le futur et à le penser en commun.

Une société…... où les adultes doivent soutenir les capacités des adolescents à penser...

Apprendre à s'exprimer, à supporter la contradiction, à rebondir sur les arguments d'autrui, à ne pas se laisser démonter par une idée radicalement différente permet à l'adolescent de prendre conscience de la place de l'autre ; l'altérité, à la fois limitante (l’autre peut ne pas être du même avis et donc constituer une source de frustration) et facilitante (la discussion permet d'affiner la pensée).
La plupart des adolescents ayant recours aux conduites addictives (consommations de produits, par exemple) ou évacuant leur mal être dans l'agir ont d'infinies difficultés avec leur vie psychique. « Ça me prend la tête », les entend on dire. Les pédopsychiatres savent bien combien il est difficile de les réconcilier avec leur pensée, d'où la difficulté à les faire s'investir dans une psychothérapie où le soin ne passe que par la parole. Fuyant des affects dépressifs insoutenables, ils se réfugient dans des conduites qui pour un temps les apaisent, mais se révèlent bien vite inefficaces, sauf à augmenter les consommations ou à multiplier les conduites agies ; ce qui bien évidemment accroît les risques.

Une société… tentée par la médicalisation.

Les professionnels de santé font le constat d'une demande de plus en plus forte venant d'acteurs divers : pour les petits qui ont du mal à apprendre il faudrait, par exemple, un bilan neurologique. Et ces professionnels eux-mêmes sont tentés de donner une réponse simpliste sans approcher la complexité des interactions relationnelles avec le milieu.