L'essentiel

Le médecin généraliste étant le professionnel de santé le plus consulté par les adolescents, et particulièrement par ceux présentant un risque suicidaire, il est donc le plus à même de repérer des comportements à risque. Savoir qu’un suicidant consulte plus souvent qu’un autre adolescent, et que des plaintes somatiques récurrentes sont corrélées à une augmentation du risque dépressif et du risque suicidaire, permet de mettre en alerte le médecin qui pourra alors employer des tests simples afin de dépister au mieux les adolescents à risque. L’augmentation du dépistage et de la prise en charge du syndrome dépressif a montré une diminution de la morbi-mortalité. L’impact du médecin généraliste est donc important même si celui-ci sous-estime son influence.

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C'est l'interlocuteur de proximité le plus fréquenté

80% des adolescents consultent leur médecin traitant au moins une fois dans l’année. Ils sont 40% à avoir rencontré un médecin ou une infirmière scolaire dans l’année et 7% à avoir consulté un psychiatre, un psychanalyste ou un psychothérapeute.
Les ados suicidants consultent plus souvent que les non suicidants.
Si le médecin généraliste est le professionnel de santé le plus fréquenté, et même si 82% des adolescents considèrent qu’il est facile de lui parler et que 87% d’entre eux sont satisfaits de ses conseils (Jacobson), 30% considèrent tout de même qu’ils n’ont pas tout dit à la fin de la consultation. Il y a donc une marge de progression possible dans la pratique de la consultation de l’adolescent.

Les ados suicidants consultent plus souvent que les non suicidants.

Les adolescents présentant des conduites à risque consultent significativement plus souvent les médecins généralistes que les autres :
Practicien consulté par les adolescents lors des 12 derniers mois : Praticien consulté par les adolescents lors des 12 derniers mois
Issu de :

WANDJI C, «Que confient les adolescents à risque à leur médecin généraliste, et à quelles conditions ?» Poitiers. 2013.

La rencontre avec les ados en crise non exprimée est fréquente

Si la fréquence de consultations pour motif psy par l'ado reste faible (6% soit environ une fois toutes les 3 semaines), les demandes allusives liées au mal-être sont bien plus fréquentes et liées le plus souvent à des troubles somatiques. Ces plaintes concernent principalement des céphalées, des douleurs abdominales et des troubles musculo-squelettiques. Ces symptômes cliniques sont fréquemment concomitants de désordres émotionnels chez les filles, de troubles du comportement chez les garçons, et de signes de dépression pour les deux sexes mais de façon plus importante chez les filles.Les maux de têtes récurrents ont montré une plus forte association avec la présence d’un syndrome dépressif sous-jacent. Plus les plaintes somatiques sont fréquentes, plus la sévérité du syndrome dépressif est élevée.
FILLES (%)
Plaintes somatiques Signes de dépression Pas de signe de dépression
Céphalées 18.6 6.5 p < 0,001
Douleurs abdominales 24.2 8.2 p < 0,001
Lombalgies 17.3 7.8 p < 0,001
Cervicalgies et douleur d’épaules 19.5 9.3 p < 0,001
GARCONS (%)
Plaintes somatiques Signes de dépression Pas de signe de dépression
Céphalées 11.7 4.2 p < 0,001
Douleurs abdominales 16.2 4.7 p < 0,001
Lombalgies 13.0 4.4 p < 0,001
Cervicalgies et douleur d’épaules 13.0 4.7 p < 0,001
Härmä AM, Kaltiala-Heino R, Rimpelä M, Rantanen P. «Are adolescents with frequent pain symptoms more depressed?» Scand J Prim Health Care. 2002 Jun;20(2):92-6. Plus récemment, il a été montré qu’en plus d’être liées à un syndrome dépressif, les plaintes somatiques récurrentes étaient liées chez l’adolescent à une augmentation du risque d’idées suicidaires et de tentatives de suicides.

Le rôle primordial du médecin généraliste

45% des suicidés et 60 % des suicidants (tous âges confondus) ont consulté un médecin généraliste dans le mois avant leur geste suicidaire ce qui montre un problème de repérage plus que d’accessibilité. Une étude ancienne (Gotland 1983-1984) avait montré une diminution de la morbi-mortalité (taux de suicide passant de 19/100 000 à 7/100 000) après amélioration des modalités de dépistage et de prise en charge de la dépression par les médecins généralistes. Néanmoins, cette étude n’a jamais pu être reproduite de façon déterminante. Depuis, une étude hongroise a pu montrer une diminution des tentatives de suicides après formation des médecins généralistes à la dépression et au risque suicidaire. Ces résultats restaient accompagnés d’une augmentation des traitements antidépresseurs. Une autre étude, slovène, portant sur moins de 50% des médecins généralistes, montrait, elle, une diminution des décès par suicide mais qui n’était pas significative. Plus récemment, une étude allemande (Althaus D et al) a montré qu’une formation de 2 ans à la dépression et à l’intervention dans la crise suicidaire dispensée aux médecins généralistes et à leurs assistantes (associée au développement de campagnes d’information, de dispositifs de soutien et de « facilitateurs communautaires ») avait permis une diminution de 20% des conduites suicidaires.Cette diminution était liée uniquement à la diminution des tentatives de suicide sans diminution du nombre de décès. Le généraliste semble donc avoir un rôle primordial dans la prévention des conduites suicidaires, mais il reste primordial qu’une majorité soit correctement formée et de façon durable afin d’avoir une action efficace sur la population.

Une affaire de vigilance

Il apparaît donc clairement que le généraliste, médecin de premier recours, se trouve totalement impliqué dans le dépistage, le diagnostic et la prise en charge de la dépression et des crises suicidaires en association avec tous les autres intervenants du champ sanitaire et social. Cette prise en charge est efficace à condition de garder une vigilance constante dans le repérage des troubles dépressifs et des idées suicidaires.

Accompagnés ou non, l’adolescent bénéficie de la consultation

- Les ados qui consultent le médecin généraliste se sentent mieux en fin de consultation.

- Les ados non accompagnés sont plus en mal-être mais bénéficient plus de la consultation.

- Le généraliste sous-estime cet effet et ses capacités.

- Le tiers n’entrave pas le plus souvent l’expression de l’adolescent.

- Au cours de la consultation, les ressentis de l’adolescent et de son accompagnant se rapprochent mais ce dernier a tendance à surestimer la capacité de l’ado à parler de ses soucis.

Cf étude « SOCRATE II» :

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Références :

Entre Nous : comment initier et mettre en œuvre une démarche d’éducation pour la santé avec un adolescent, INPES 2009.

Binder Ph. "Les adolescents suicidants non pris en charge pour leur acte sont-ils différents des autres ?" Enquête auprès de 3 800 adolescents. La Revue du praticien Médecine Générale 2001 ; 15 (545 : 1507-12).

Härmä AM, Kaltiala-Heino R, Rimpelä M, Rantanen P. Are adolescents with frequent pain symptoms more depressed? Scand J Prim Health Care. 2002 Jun ;20(2) :92-6.

J. Koenig, R. Oelkers-Ax, P. Parzer, J. Haffner, R. Brunner, F. Resch, et al., The association of self-injurious behaviour and suicide attempts with recurrent idiopathic pain in adolescents: evidence from a population-based study, Child Adolesc. Psychiatr. Ment. Health, 9 (2015), p. 32.

Rihmer Z, Rutz W, Pihlgren H. 1995. Depression and suicide on Gotland. An intensive study of all suicides before and after a depression-training programme for general practitioners. Journal of Affective Disorders, 35 : 147-152.

ANAES. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en charge. Conférence de consensus du 19 et 20 octobre 2000. Amphithéâtre Charcot. La Pitié Salpêtrière. PARIS. ANAES 159 rue Nationale 75640 PARIS.

Tudrej BV, Heintz AL, Ingrand P, Gicquel L, Binder P. What do troubled adolescents expect from their GPs? Eur J Gen Pract. 2016 Sep 3:1-8.

Althaus D, Niklewski G, Schmidtke A, Hegerl U. Changes in the frequency of suicidal behaviour after a 2-year intervention campaign. Nervenarzt. 2007, Mar;78(3):272-6, 278-80, 282.