L'essentiel

Les jeunes pensent avant tout que le médecin généraliste est le médecin du corps et qu’il ne peut pas les aider sur le plan psychoaffectif. Ils attendent qu’il aborde en premier la question du mal être et que ce soit lui qui pose les questions. Au médecin d’être moteur de la rencontre. Si la présence du tiers accompagnant rassure généralement les adolescents, elle ne facilite pas la consultation et freine la confiance.

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Des projections particulières

Le degré de confiance de l'adolescent envers les adultes est déjà très émoussé. Il l'est d’autant plus que l’adolescent est mal dans sa peau. L'adolescent a des projections particulières envers le généraliste.
En qui les jeunes ont-ils confiance pour parler de leurs problèmes ?
(Spécificités selon le sexe et chez les suicidants)
En qui les jeunes ont-ils confiance pour parler de leurs problèmes ?
    D'une manière générale , 74 % des jeunes ne pensent pas pouvoir confier ses problèmes personnels à son médecin traitant (Voir le graphique ci-contre). Mais ce chiffre cache des spécificités car le médecin traitant est ressenti comme « aidant » principalement pour les problèmes somatiques.
  • Les 10 premiers motifs de consultation des adolescents concernent un problème somatique (prévention, problèmes respiratoires, vaccinations, infections, acné, …)
  • Le motif psychologique ne concerne que 4 % des consultations chez les garçons et 9% chez les filles.
  • Seules 0,4% des garçons et 1% des filles consultent pour symptômes dépressifs.
A noter que les adolescents se tournent prioritairement vers leurs proches pour parler de leurs problèmes psychologiques. Sur l'alliance possible : Les premières minutes de la consultation jouent un rôle déterminant. Le jeune perçoit très rapidement chez le médecin traitant : son malaise, l'intérêt qu'il lui porte, et son attitude face à la famille. Cela lui permet de le classer immédiatement, soit dans la catégorie des vieux liés aux conceptions parentales, soit dans la catégorie des alliés pouvant être adulte référent.
    Les attitudes du médecin que les adolescents recherchent sont :
  • La confidentialité : plus de la moitié la trouve essentielle;
  • Les explications : ils veulent des explications et des conseils concernant leur santé;
  • La communication à double-sens : ils se sentent plus à l’aise avec un médecin qui les écoute;
  • La sympathie : nécessaire pour être à l’aise;
  • La confiance : pouvoir faire confiance à son médecin;
  • La compétence dans son domaine;
  • Ne pas être traité comme un enfant;
  • Les filles sont plus à l’aise avec un médecin du même sexe, ce qui est moins évident chez les garçons;
  • L’absence de jugement
  • La nécessite d’être à l’aise pour se confier;
  • Le suivi : rencontrer le même professionnel à chaque fois;
  • L’intérêt : que le médecin s’intéresse vraiment à son patient et ne consulte pas de façon machinale.

Des difficultés d’expression

Les adolescents n'aiment pas se découvrir devant un adulte qu'ils connaissent mal ou peu.
Ils ont d'autre part une difficulté à situer leur plainte ou à les énoncer. Ont une représentation brouillée de leur corps. Et d'autre part, ce qui touche au corps mobilise la pudeur, l'image de soi mais aussi les émotions. Ainsi, ils attendent du médecin que ce soit lui qui pose les questions et entame la discussion. D’ailleurs, ils sont deux fois plus nombreux dans les groupes à risques à trouver que leur médecin n’est pas assez curieux et trop silencieux.

Une crainte régressive

Recourir au soin implique une représentation de consentement, de se mettre dans un assujettissement à un dominant. Il y a ainsi par exemple rejet de tout comportement attitude ou mode qui ressemble à ce qui passait avec lui en consultation dans la petite enfance. Ainsi le maintien de la présence de la mère peut rappeler cet assujettissement. Ce dont ils auraient besoin de la part des adultes pour sortir du monde de l'enfance peut être ressenti comme une menace à leur autonomie, tant sur le plan du soin (et donc mauvaise observance du médicament) que sur le plan de la prévention (rejet des conseils surtout ceux visant à la protection) A l'adolescence, une peur excessive, liée à une maladie par exemple, peut entraîner une paralysie de mobilisation, un frein plutôt qu'une assiduité à l'observance nécessitée par le risque encouru.

Différente selon le sexe

Les inquiétudes dépendent du sexe :" Les garçons ont peur de ne pas être forts, les filles de ne pas être heureuses." Leur mode de recrutement de support amical est différent : les relations des garçons s'établissent a niveau de la ville ou du quartier, celles des filles plutôt au niveau de l'école

Le rôle du tiers accompagnant

La présence d'un tiers adulte (8 consultations sur 10) accentue le plus souvent le trouble, et du coup l'expression de l'adolescent. Le fait que l'adolescent ne s'oppose pas voire souhaite que son accompagnant reste, ne veut pas dire qu'il est pour autant plus à l'aise. En effet, le fait que seulement 1/3 d’entre eux aurait souhaité être seul en consultation reflète le paradoxe de l’adolescence où le jeune est tiraillé entre l’envie de rester sous la protection de ses parents et le désir d’autonomie. Néanmoins, il faut noter que le plus souvent, le parent lui-même est à l’origine de la consultation et que sans lui, l’adolescent n’aurait sans doute pas eu l’idée de voir son médecin. Certaines consultations par contre sont plus aisées lorsque le jeune vient avec une ou un ami de confiance.

Références :

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Lacotte-Marly E, Les jeunes et leur médecin traitant : pour une meilleure prise en charge des conduites à risque. Paris V. 2014

RUFO.M; CHOQUET.M; "Regards croisés sur l'adolescence, son évolution, sa diversité. Essai . Anne Carrière. p 85

Boulestreau-Grasset H, Le point de vue des adolescents sur leur relation avec le médecin. Nantes. 2009.

Tudrej BV, Heintz AL, Ingrand P, Gicquel L, Binder P. What do troubled adolescents expect from their GPs? Eur J Gen Pract. 2016 Dec;22(4):247-254.

Tylee A, Haller DM, Graham T, et al. Youth-friendly primary-care services: How are we doing and what more needs to be done? Lancet 2007;369:1565–1573.

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